Mali: A la quête d’ombre et de temps
Voyager en indépendant au Mali au mois de mai n’est pas de tout repos. D’abord, il fait chaud, chaud, chaud. On en vient rapidement à rechercher avidement l’ombre et l’eau, toutes deux sources d’une relative fraîcheur. Ensuite, l’usage des transports publics distille des imprévus à répétition qui rallongent et pimentent tout déplacement. Un grand exercice de maîtrise de soi.
Ébène, essai autobiographique du grand nomade polonais Ryszard Kapuscinski, m’avait pourtant averti combien la notion de temps – sa conception, la compréhension de son écoulement et de son usage – est particulière en Afrique. Pour ce grand connaisseur du continent noir, le temps africain est plus ouvert et élastique, plus subjectif et aléatoire qu’en Europe. Lire et savoir ces différences, c’est bien. Avoir le temps de les vivre, c’est mieux.
Ségou l’indolente
Affalée au bord du fleuve Niger, la ville de Séjou amalgame bien les éléments ci-dessus: chaleur ambiante, recherche de fraîcheur et d’eau, sorte d’indolence face à l’écoulement du temps. Long fleuve tranquille, le Niger est vital pour Ségou. En saison sèche, le transport fluvial, la pêche et l’agriculture décroissent en raison des basses eaux. Le tourisme se tarit, mis à part quelques irréductibles. C’est aussi qu’il y reste des choses à voir et à faire.
Kalabougou la potière
Sortie en pirogue à Kalabougou, bourgade voisine de Ségou et renommée pour sa poterie. Le village de Kalabougou compte trois groupes occupationnels: les agriculteurs bambaras, les pêcheurs bozos et enfin les potiers.
Depuis presque toujours, le clan des potiers façonne, façonne et façonne encore toutes sortes de récipients pour l’eau et les céréales. Sans surprise, la poterie commence par l’eau et l’argile.
Le mélange de glaise est longement foulé à pied. Lors de la confection des récipients, les potiers n’utilisent pas de tour. La base du récipient est grossièrement moulée, puis rehaussée de parois d’argile façonnées à la main. Après un premier séchage à l’air, la poterie est durcie au feu lors d’une cuisson collective rassemblant la production hebdomadaire de l’ensemble des potiers du village.
Outre leur usage en poterie, l’eau et la terre, non soumis à la cuisson cette fois-ci, servent également comme matériau de construction (le banco) pour les habitations du village de Kalabougou.
Sur les rives du fleuve, ce berger surgi de nulle part, au pas régulier rythmé de la musique grésillante distillée par sa grosse radio portée en collier. Je vois encore son visage d’éclairer d’un gros sourire au vu de son portrait électronique dans l’écran de mon appareil photo.
Ségou
De retour à Séjou, l’oeil se fait plus attentif à l’architecture de terre crue. Le banco tempère l’air ambiant de sa fraîcheur colorée.
Le déplacement de Ségou vers Djenné ramène à d’autres réalités africaines. A la gare routière, cinq heures d’attente pour un bus fantôme, puis neuf heures de voyage au lieu des cinq annoncées en raison de multiples arrêts dont trois pour des incidents mécaniques.
Ryszard Kapuscinski nous expliquerait que l’existence du temps en Afrique s’exprime notamment au travers un événement voulu par l’homme. Il n’y a ainsi pas de temps écoulé si deux armées ne s’affrontent pas comme prévu. Pas plus que si le bus n’arrive jamais en gare, sans doute, en dépit des cinq heures d’attente sous le soleil…
Tant pis pour les Européens qui, même en vacances africaines, sont encore pressés…
Bien à Vous,