Sénégal – Saint-Louis

Dakar

Gare routière, Dakar. Après deux heures d’efforts, le propriétaire du taxi-brousse complète son quota de passagers.

La vieille Peugeot rallie ensuite Dakar à Saint-Louis en quatre heures. Expérience plaisante: compression spatiale, chaleur, promiscuité, mais convivialité. Par contre, j’ai un karma contre les chauffeurs de taxi, contre leur cupidité doublée de mauvaise foi. Celui qui m’emmène de la gare routière jusqu’au centre de Saint-Louis n’échappe pas à la règle. J’interromps ma course, puis continue à pied.

Tout comme Djenné la Malienne est née sur une île du fleuve Niger, Saint-Louis a vu le jour sur une terre émergée en plein fleuve Sénégal. Position stratégique et défense naturelle propices au commerce. Dès sa fondation au XVIIe siècle, Saint-Louis est un carrefour commercial, notamment pour le bois d’ébène, entre l’espace arabo-musulman et les colonies européennes. A son apogée, Saint-Louis constitue à la fin du XIXe siècle la capitale économique d’Afrique de l’ouest.

Campé sur son île au milieu du fleuve Sénégal, le quartier historique et décati de Saint-Louis déborde à présent sur les terres voisines. L’île est reliée au continent par deux ponts, dont le principal fut construit par Gustave Eiffel pour franchir le fleuve Danube, puis adapté à Saint-Louis. Afrique, terre de recyclage en tous genres déjà au XIXe siècle.

Saint-Louis

Saint-Louis est française jusqu’à l’indépendance du Sénégal en 1958. Mais pas seulement. Dès le XVIIe siècle, il s’y développe un métissage entre les colons français et la gent féminine locale, dont sont issues les signares. Ces bourgeoises entrepreneurs confèrent à la culture urbaine locale une touche dynamique d’élégance festive qui fera la charme de Saint-Louis. Mais le substrat culturel de Saint-Louis reste largement musulman.

L’empreinte historique coloniale sur le vieux Saint-Louis ne m’impressionne guère. Par contre, l’élément liquide me captive dès mon arrivée. A l’embouchure du fleuve Sénégal dans l’océan Atlantique, Saint-Louis est tout à l’eau, aux grandes chaloupes bigarrées et au poisson. Je le préfère frais plutôt que séché à l’air. Et vous?

Le mouridisme

Alors que je déguste dans une rue de Saint-Louis un café local, aussi corsé, épicé et sucré que dans le monde arabe, un homme m’interpelle. Mouride convaincu, il me vante les mérites spirituels de cette branche soufiste, très répandue au Sénégal au travers de confréries.

« Va voir un jour le Magal, ce pélerinage annuel à Touba, la ville natale du Cheikh Ahmadou Bamba », me conseille-t-il. « Tu feras comme ce journaliste français parti pour couvrir l’événement et qui s’est converti au mouridisme par la suite. Les confréries mourides te donnent tout ce qu’il te faut dans la vie. »

Je lui réponds que j’ai entendu parler du Magal, cette célébration annuelle du départ en exil forcé en 1895 du fondateur du mouridisme, et que je tâcherai de m’y rendre une fois. L’homme s’en va, satisfait. Saint-Louis, point de convergence de l’islam et du christianisme.

A Saint-Louis comme ailleurs au Sénégal, les adeptes du mouridisme ont pignon sur rue. Beaucoup de façades de maisons affichent des portraits sommaires du Cheikh Ahmadou Bamba, peints sur la base de l’unique photographie que l’on connaisse du chef spirituel mouride. Les confréries mourides sont extrêmement puissantes au Sénégal. Economiquement, elles contrôlent des pans entiers du secteur informel. Du fait de leur emprise socio-religieuse, elles sont l’allié obligé de tout candidat à un poste politique d’envergure.

Le faux lion

Au hasard de mes errances, quelques jeunes costumés que fuient les enfants du voisinage. Un habitant du quartier m’explique qu’il s’agit du jeu du faux lion.

Les faux lions, en fait déguisés plutôt en léopards, pourchassent les enfants et autres  adolescents du quartier qui doivent s’acquitter d’une petite redevance monétaire en cas de capture. Scénario guère original, mais mise en scène spectaculaire.  Je tente de négocier la couverture photographique de la chasse, en vain. J’adopte alors un modus operandi discret de paparazzi, avant de m’éclipser.

La Langue de Barbarie

Histoire d’élargir mon horizon, je joue ensuite au faux cycliste sur un vélo tout-terrain de location jusqu’au village de Mouit, dans l’idée de visiter une réserve ornithologique située sur la Langue de Barbarie. Las, les oiseaux migratoires et les touristes susceptibles d’embarquer avec moi dans une pirogue manquent en cette saison. Je me contente de vues éloignées de la réserve, ainsi que de vues rapprochées sur l’évolution de l’espèce humaine.

Dakar

De retour à Dakar, je me réconcilie avec la capitale qui ne m’avait guère séduit à mon arrivée au Sénégal. Une plage en ville, une chambre d’hôtel les pieds dans l’eau, une ambiance très animée. Enfin, deux coups d’oeil valent souvent mieux que mille coups de plume…

Bien à Vous,

Bertrand

By Bertrand

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