Sur le chemin de mon bureau à Conakry, je passe plusieurs fois par jour devant cette minuscule échoppe. En dépit de l’étroitesse de la route et des multiples usagers qui la restreignent encore, mon regard est capturé immanquablement par la baraque en tôle à l’atmosphère enfumée.
Bongas braisés
Des femmes s’agitent autour de grilles métalliques surélevées où sont déposés, serrés comme des sardines et la gueule dans la braise, des dizaines de poissons dénommés bongas. La flamme et la fumée dorent la peau des poissons d’une couleur chatoyante et appétissante, introuvable à Conakry sinon dans la rue.
Un jour, je craque. Je parque mon véhicule et m’approche de la cahute pour un brin de causette. Un attroupement se forme aussitôt. A la grande déception de l’assemblée, je n’envisage pas d’acheter les poissons. Vouloir les photographier leur paraît bien saugrenu.
Puis un homme décrète bruyamment qu’il est bien normal qu’un étranger comme moi veuille photographier des bongas braisés, car ils sont délicieux. J’approuve vigoureusement du chef et de la voix. L’audience se range à l’argument. Je croque mes poissons de trois clics photographiques, salue la cantonade avant de quitter les lieux.
Pêche à Conakry
Bâtie sur une péninsule, Conakry est ceinturée par l’océan Atlantique. L’élément liquide façonne le quotidien de la capitale – moyen de transport en tout genre, gisement de ressources halieutiques. Comme tous les ports industriels, celui de Conakry n’est pas particulièrement attractif, quand bien même il est vital pour la fragile économie nationale. Les docks sont courtisés en permanence par des navires avides de bauxite, par des pétroliers et autres porte-conteneurs.
Pour ces mastodontes maritimes, l’approche du port est délicate en raison des bancs de sable qui ont piégé de nombreux équipages et mis leurs navires à la retraite anticipée. L’œil vorace du photographe trouve néanmoins le moyen de s’en repaître.
Mon intérêt se situe ailleurs. La pêche traditionnelle occupe des milliers de petites gens à Conakry et dans les îles voisines. Leurs pirogues ou embarcations de fortune sillonnent constamment les eaux devant ma résidence ou mon bureau – tous deux situés à proximité de l’océan. Un vrai régal quotidien pour l’œil attentif. A priori, la pêche constitue une activité millénaire et banale. Elle devient intéressante si on y décèle le savoir-faire, l’improvisation et l’ingéniosité qui l’accompagnent.
Les prises des pêcheurs rencontrés ici à Conakry sont en baisse, ponctionnées – disent-ils – par la pêche industrielle des chalutiers asiatiques et européens. J’aimerais ne pas les croire. Savourez votre poisson braisé : il vient peut-être de Conakry.
Archipel de Loos
L’océan à Conakry, c’est aussi la détente. Sur la péninsule d’abord, mais aussi et surtout dans l’archipel de Loos à proximité de la capitale guinéenne. Kassa, Room, Fotoba sont les îles les plus prisées pour les amateurs de villégiature. Dans les îles, on y bronze, on y brûle, on y joue, on y drague et on y danse.
J’oubliais l’essentiel. Sur les îles, on y mange car on y pêche. Pour changer du capitaine et autre dorade ou mérou, on y déguste du crabe. Avis aux amateurs.
Le crabe comporte d’indéniables vertus sociales. Les gens se font plus détenus et souriants, socialisent et se serrent la pince. Au retour vers la capitale, la goguette et l’euphorie gagnent souvent les excursionnistes d’un jour ou deux. Le miracle des îles conakriennes. Dieu est grand.
Bien à Vous,