La Jérusalem chrétienne

Le Jardin des Oliviers

J’ai trouvé des oliviers à Jérusalem, non sur le Mont des Oliviers, mais dans le Jardin des Oliviers. Des mathusalems dont certains comptent plus de 2’000 printemps, soit assez pour avoir vu l’arrestation de Jésus par des militaires romains guidés par l’apôtre Judas.

La superbe église de Gethsémani est bâtie autour d’une pierre où Jésus a prié avant son arrestation et sa crucifixion. Elle est si courue par les pèlerins que je m’éloigne rapidement.

Couvent Marie-Madeleine

Je lui préfère les bulbes dorés et les allées désertes du couvent orthodoxe russe de Marie-Madeleine.

Via Dolorosa

Une cloche frappée vigoureusement signifie la fin des visites. Il est temps pour moi de retracer l’itinéraire de la passion et de la crucifixion de Jésus sur le Mont Golgotha. De la Porte du Lion, la Via Dolorosa égrène ses stations du chemin de croix à travers le quartier musulman et jusqu’à l’église du Saint-Sépulcre. Aujourd’hui, la Via Dolorosa est douloureuse surtout pour le portemonnaie du pèlerin affamé et assoiffé, dévot et avide de bondieuseries.

Eglise du Dormition

Je quitte rapidement cet itinéraire trop fréquenté pour le calme feutré de l’église du Dormition, calfeutrée sur le Mont Sion où repose Marie, la mère de Jésus. Avant moi un visiteur juif, à qui il est demandé d’ôter son couvre-chef par respect pour la sainteté de ce haut lieu de culte chrétien. Juste l’inverse des pratiques juives qui prohibent le nu-tête dans les lieux saints. En espérant que le Divin s’y retrouve.

Eglise du Saint-Sépulcre

De là, je coupe à travers le quartier arménien pour gagner l’Eglise du Saint-Sépulcre. Les Arméniens, première nation à définir le christianisme comme religion d’Etat en l’an 301, ont leur quartier à Jérusalem, distinct du quartier chrétien. Jérusalem défie décidément toute logique. Quant à l’Eglise du Saint-Sépulcre (Basilique de la Résurrection), elle est bâtie sur le lieu supposé de la crucifixion de Jésus sur le Mont Golgotha, celui de son tombeau et de sa résurrection.

Comme le Mont des Oliviers n’est plus guère arborisé, le Mont Golgotha n’a plus rien d’un mont – englouti par la fièvre bâtisseuse chrétienne. Son emplacement même est sujet à controverse historique.

En 326, Sainte Hélène, la mère de Constantin qui légalise en 313 le christianisme dans l’Empire romain de Constantinople, se rend à Jérusalem. Ses fouilles sur le Mont Golgotha mettent à jour trois croix de suppliciés, identifiées comme celles de Jésus et des deux larrons. La sainte croix est dépecée en reliques qui se perdent dans les méandres de l’Histoire. Pourtant, la somme des reliques parvenues jusqu’à nous excède largement le volume original de la croix…

De l’extérieur, l’Eglise du Saint-Sépulcre déçoit. La place d’entrée principale est revêtue de belles dalles lissée par des générations de semelles, mais aussi exiguë, sans recul suffisant pour apprécier la hauteur de l’édifice. Son architecture, base byzantine développée lors des Croisades, est est massive et sans grâce, balafrée par l’histoire tumultueuse qui est la sienne. Le bâtiment a subi de nombreux incendies, tremblements de terre, et destructions délibérées lors de conquêtes militaires de Jérusalem.

Sa beauté est intérieure. La grande porte franchie, la faible luminosité ambiante incite à la retenue et à l’exercice spirituel. J’emboîte le pas à deux prêtres orthodoxes jusqu’à l’Edicule de la tombe de Jésus, surplombé par la superbe Rotonde d’Anastasis.

Le nez dans les étoiles, j’arpente la nef, découvre les chapelles annexes et souterraines. Le lieu sacrosaint de la chrétienté est aussi l’illustration parfaite de querelles de chapelles. Pas moins de six confessions chrétiennes – orthodoxe, romaine, copte, apostolique – se partagent son espace. Les tensions sont fréquentes. D’autres Eglises et confréries sont établies à proximité.

De retour vers l’entrée, j’avise un escalier raide qui mène à l’étage. J’y retrouve les ultimes stations du chemin de croix de la Via Dolorosa et donc le lieu de la passion du Christ. Tout resplendit d’enluminures, peintures et dorures. Sur la terre, la Pierre de l’Onction (une copie en fait) qui a soutenu la toilette funéraire de Jésus. Dans les cieux, une exquise architecture moulurée et ajourée, richement décorées de peintures orthodoxes ou coptes.

A l’étage, la Chapelle du Calvaire – le lieu de la crucifixion de Jésus – brille dans une fausse pénombre propice au recueillement spirituel. J’y reste longtemps, assez de temps pour y voir se consumer une floraison de bougies.

Couvent éthiopien

J’émerge de l’Eglise du Saint-Sépulcre comme d’un rêve trop riche et d’un voyage intersidéral. L’esprit brumeux, j’enfile les ruelles au hasard jusqu’à la Rue du Monastère éthiopien. Aucune trace dans le couvent du séjour à Jérusalem à la fin du XIIe siècle du jeune Lalibela, futur roi d’Ethiopie. Par contre, Jérusalem résonne encore du séjour tonitruant de la reine de Saba, 1’000 ans avant notre Ere.

La légende éthiopienne raconte qu’à l’époque, la reine de Saba, dont le royaume était situé dans l’actuelle Ethiopie, visite en grandes pompes le roi juif Salomon à Jérusalem, intriguée par la sagesse légendaire du fils du roi David. Salomon se joue habilement de toutes les questions et les énigmes posées par la visiteuse. Il demande ensuite Saba en mariage.

La reine de Saba refuse car le roi Salomon a déjà plusieurs épouses, puis cède à ses avances. Le mariage est célébré et consommé. Elle demeure quelque quelque temps à Jérusalem avant d’initier, enceinte, son retour en Ethiopie.

Le roi Ménélik 1er, né en Ethiopie des amours royales de Salomon et de Saba, visite des années plus tard son père à Jérusalem. Il en profite pour dérober l’Arche d’alliance déposée dans le Temple juif, avant de l’emporter avec lui en Ethiopie.

Avec ou sans Arche d’alliance, Jérusalem – musulmane, juive et chrétienne – est éternelle. Puissent la paix et la tolérance l’habiter dans son éternité.

Bien à Vous,

 

By Bertrand

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