Mont des Oliviers
Avant ma visite à Jérusalem, j’avais du Mont des Oliviers l’image d’Epinal d’une oliveraie touffue. Il n’en est (presque plus) rien.
La pente du Mont des Oliviers opposée au vieux Jérusalem est pelée par des siècles de pieuse et graduelle déforestation. En lieu et place d’oliviers, le terrain est occupé aujourd’hui par un imposant cimetière juif. Probablement le cimetière le plus cher de ce bas monde. En effet, la tradition juive situe sur le Mont des Oliviers la Résurrection des morts et le Jugement dernier. Sur la terre comme aux cieux, mieux vaut être aux premières loges.
La présence juive à Jérusalem remonte à plus de 3’000 ans. A cette époque, la tribu hébraïque du roi David (qui a défait Goliath) occupe la région de Jérusalem, habitée par des populations cananéennes. Le roi David fonde la cité éponyme – capitale du Royaume d’Israël. Il y transfère l’Arche d’alliance, ce coffre contenant les tables de la Loi où figurent les Dix Commandements dictés par Dieu à Moïse sur le mont Sinaï.
Fils de David, le roi Salomon construit un millénaire avant notre Ere un premier Temple juif sur le Mont Moriah qui est rebaptisé le mont du Temple – site de l’actuelle Esplanade des Mosquées ; il y dépose l’Arche d’alliance. Détruit par le Babylonien Nabuchodonosor, l’édifice sacré renaît par un second Temple bâti en 515 avant notre Ere. Le second Temple est rasé en 70 avant notre Ere par Titus suite à une révolte juive contre Rome.
Ces aléas historiques provoquent la disparition de l’Arche d’alliance ainsi que par deux fois l’exil forcé de la communauté juive de Jérusalem. Du second Temple demeure aujourd’hui son seul mur d’enceinte occidental – le Mur des Lamentations. Son architecture et son emplacement exacts restent à reconstituer.
Quartier juif
Du Mont des Oliviers, je prends le chemin du quartier juif de Jérusalem. Le secteur connaît une présence juive continue depuis l’époque romaine. Surplombant le Mur des Lamentations, une réplique dorée du chandelier à sept branches qui ornait le second Temple juif toise avec hauteur le dôme étincelant du Rocher.
Mur des Lamentations
Nous sommes vendredi après-midi, peu avant le Sabbat. La cour précédant le Mur des Lamentations est sillonnée d’élégantes silhouettes noires. Superbe spectacle nimbé de la douceur d’un soleil hivernal.
Si l’accès au Mur est ouvert à toute confession religieuse, il est soumis à des conditions de sécurité dignes d’un aéroport international. Pas de lamentations, car la sécurité n’a pas de prix. Beaucoup de touristes non juifs restent en marge de l’esplanade, gênés peut-être.
Pas moi. A l’approche du Mur, je revêts une calotte blanche remise aux visiteurs sans couvre-chef. Car on n’approche pas le lieu sacré à tête nue. Je ressens une excitation telle que mes mains m’en tremblent. De vieux souvenirs de reportages télévisés rejaillissent des tréfonds de ma mémoire.
Je tourne en rond, les yeux écarquillés devant le spectacle visuel et sonore, avant de m’asseoir longuement à proximité de la muraille pour retrouver mon calme et observer les prières. Ma première photographie n’intervient qu’après une bonne demi-heure d’observation.
Les abords immédiats du Mur tiennent d’une synagogue à ciel ouvert et à discrétion des fidèles. Pour leurs prières, les Juifs choisissent l’endroit qui bon leur semble, tantôt prostrés contre le Mur, tantôt confortablement installés sur une chaise, tantôt encore en d’incessants va-et-vient le long de la muraille.
Certains fidèles sont si extatiques qu’on conçoit difficilement que leurs prières déplorent la double destruction du Temple et suivie par d’autant d’exils forcés des Juifs de Jérusalem. Les plus jeunes restent des enfants, curieux et distraits.
Les fidèles et les visiteurs insèrent souvent un billet manuscrit portant une prière dans les anfractuosités et les interstices des énormes pierres de taille. Je me contente de toucher la muraille à pleines paumes sans me lamenter sur quoi que ce soit.
Le Mur des Lamentations comprend une partie couverte, située dans une longue salle voûtée. Je m’y aventure prudemment,m’assieds dans ses profondeurs et observe à nouveau avidement.
Au sortir de la longue salle, j’avise un groupe de Juifs en pleine discussion théologique. Au centre, un rabbin lit et commente des textes sacrés à une audience rivée à ses doctes propos.
La séance d’exégèse une fois levée, l’ambiance vire du tout au tout. Les hommes se saluent chaleureusement, rient aux éclats, échangent de vigoureuses poignées de mains avant de quitter les lieux. Certains quittent l’esplanade à reculons pour ne pas tourner le dos au lieu saint.
Pour le judaïsme, le Mont du Temple est éminemment sacré. Dieu y prélève l’argile dont il façonne Adam. Sur l’injonction céleste, Abraham s’apprête à y sacrifier son fils Isaac, avant le veto divin de dernière minute. Aussi certains Juifs aspirent à y lever un troisième Temple, prélude au Jugement dernier.
J’achève la journée par une nouvelle balade dans le quartier juif. Mais la Jérusalem cosmopolite et multi-confessionnelle n’est pas loin, et c’est elle qui me tient sous son charme.
Bien à Vous,