Ebouillanté par la côte et le désert omanais (45° le jour, 38° la nuit), j’aspire à un peu de fraîcheur. Je pense alors naturellement montagne et verdure. Oman compte nombre de jebels (montagnes) d’origine volcanique qui cachent dans leurs recoins des oasis de cultures vivrières.
Empreinte écologique
Même si sa prospérité économique actuelle doit beaucoup à ses revenus pétroliers, le sultanat d’Oman se veut green and clean. Premier pays arabe doté d’un ministère de l’Environnement, Oman est aussi le seul pays arabe membre de l’Union internationale pour la conservation de la nature. Ses politiques et ses réalisations environnementales ont été primées à de nombreuses reprises au niveau international.
Pétri d’idéaux teintés de pragmatisme, j’aime relier théorie et pratique, déclarations et actions. Mon enquête écologique me dirige logiquement vers le Jebel Akhdar (montagne Verte) et le Jebel Shams (montagne du Soleil).
Entre 1955 et 1959, une guerre civile y oppose le pouvoir politico-religieux régional et l’autorité nationale du Sultan. Le principale pomme de discorde ? Définir qui, des autorités régionales ou nationales, serait habilité à vendre les premières concessions pétrolières aux sociétés multinationales étrangères.
Soucieux de limiter l’exode rural, Oman se fait un point d’honneur à soutenir les populations montagnardes et à développer les infrastructures en milieu rural. Ces efforts sont visibles même pour le voyageur profane.
La qualité du réseau routier national ferait pâlir d’envie tout politicien ou fonctionnaire européen. Routes et électricité atteignent, parfois à grands frais, des contrées très reculées. L’abondance pétrolière a clairement privilégié le transport routier et privé. A la pompe, le litre de carburant coûte moins de 30 centimes suisses (25 centimes d’Euro). Oui, votre portemonnaie a bien lu : plus de trois litres de Super pour un franc suisse.
J’ai bien trouvé dans les Jebels Akhdar et Shams de la verdure et du soleil, des routes et de l’électricité. Dans les premières pentes, je ne résiste pas au charme suranné d’un petit village abandonné. Dans son écrin minéral, le hameau de pierres goûte à une retraite bien méritée, gardant un œil connaisseur sur les travaux champêtres en contrebas. De l’autre côté de la rivière, le nouveau village reste en bons termes avec son aïeul, mais entend bien vivre avec son XXIe siècle.
Bien plus haut, un magnifique plateau volcanique, pelé comme une mauvaise orange. Pas une âme au premier regard. En fait, les villages s’accrochent juste sous la crête de la falaise, souvent blottis sur un replat rocheux tapissé de cultures.
La montagne Verte doit son nom à ses cultures maraîchères et fruitières qui en font le verger du pays. Lors de ma visite, les jardins regorgent de grenades et de raisins prêts à la cueillette. Par contre, les villages visités présentent un désert social. Effet induit par le jeûne du ramadan (carême musulman), j’espère.
Je me délecte à explorer les coins les plus reculés de la région montagneuse. Les routes empruntées sont en fait des pistes de terre battue. Avares de virages, certaines d’entre elles présentent des déclivités vertigineuses. Pas de souci, comme en Suisse, de composer avec la neige et le verglas alpins. Un véhicule tout-terrain reste indispensable.
Balad Seet
Après plusieurs jours d’errance, je trouve enfin mon village. Son nom est déjà un poème : Balad Seet. Sa configuration est juste magnifique. Une image de carte postale que je peux que reproduire ici. J’entre à pied dans le village, à l’affut de rencontres. Une petite fille, surprise par ma présence, s’enfuit en criant sa peur. Les adultes se montrent plus sereins sans se départir d’une réserve typiquement montagnarde.
Grand Canyon d’Arabie
La région montagneuse compte également de profondes failles ou cavernes. Le Grand Canyon d’Arabie est ma prochaine étape. Sur la falaise, une chèvre s’approche inpudemment pour quémander une part de mon déjeuner. Et elle l’obtient avec des clignements complices de cils ourlés de khol. Je résiste stoïquement à son exercice de charme, car le canyon m’attend.
Sur le fil de la falaise, le vue est vertigineuse : mille mètres plus bas, la rivière Ghul se prélasse en des tortillons paresseux. Un environnement on ne peut plus minéral.
Al-Katheem
Et pourtant, l’homme y a construit son nid dans les endroits les plus improbables. Jusqu’il y a trois décennies, il a vécu dans un hameau suspendu à flanc de falaise.
Relié la ligne de crête par un sentier de chèvres, Al-Katheem est aujourd’hui habité par quelques chèvres sauvages. Après 90 minutes de marche funambuliste, j’identifie au loin l’arche minérale monumentale sur laquelle est bâti le hameau. Mais celui-ci se dissimule dans son milieu minéral et végétal.
Ce n’est qu’à l’orée d’Al-Katheem que j’entrevois les premières masures. Simples et rustiques, reflets de la vie dans cet environnement isolé. Toutefois, le lieu est magique, pétri de sérénité et d’harmonie entre son cadre naturel et ses hôtes d’un jour ou de toujours. Pas de chichi ni de complication ; juste l’essentiel. Unique coquetterie osée dans ce milieu rustique, une porte exhibe de délicates gravures en creux.
Al-Katheem ne manque pas d’eau. Entre les habitations et les champs, un petit lac dans son lit de grosses pierres polies, alimenté par une cascade mousseuse. Plus loin, les champs terrassés, en friche, témoignent du dur labeur nécessaire à la production vivrière. Les chèvres sauvages qui habitent désormais le hameau en ont fait leur terrain de jeux.
La rivière m’invite à son grand saut dans le vide par-dessus l’arche monumentale. Le lieu est stupéfiant de beauté sauvage. Je m’allonge sur l’arche et risque une sieste. J’aurais bien payé le prix d’une chambre cinq étoiles pour y passer la nuit. Les prémisses d’un orage me rappelle à la raison et au retour vers la crête du Grand Canyon.
Energie solaire
Les montagnes omanaises m’ont donné le plein de soleil, de verdure et de bon air, autant qu’un pays semi-désertique à l’économie basée sur les ressources extractives peut le faire. Elles boudent encore les panneaux solaires. Ce sera pour le siècle prochain.
L’empreinte écologique de mon enquête écologique est également perfectible. Plusieurs centaines de kilomètres en voiture. Pire, j’ai adoré conduire mon tout-terrain de location dans les Jebels Akhdar et Shams. Ne le répétez pas à la sobre et sévère limousine au moteur hybride qui me déplace ici à Amman.
Bien à Vous,