Juma/Vendredi
J’ai rencontré Juma sur la plage, peu après notre arrivée sur l’île de Lamu. Juma signifie ‘vendredi’ en langue swahilie. C’était pourtant un jeudi. Isolée dans les dunes, sa cahute en piteux état offrait une vue imprenable sur les plages et les dunes sablonneuses, sur le fouillis de mangroves, sur l’océan Indien.
Juma n’a rien du beach boy en chasse au touriste ni du servile Vendredi de Robinson Crusoé. Migrant chrétien en terre musulmane, il exerce l’humble travail de chamelier pour le compte d’une propriétaire locale. Il compte pour uniques richesses la superbe sérénité de son cadre de vie et sa quiétude intérieure.
Vendredi m’emmène visiter l’autre partie de l’île, où vivent des réfugiés somaliens au sourire lumineux.
Au retour, nous croisons des Masais à l’allure princière.
Vendredi aurait pu adopter Zanzibar. Il a choisi Lamu, sa petite soeur swahilie située plus au nord sur la côte kenyane. Lamu est à la fois un archipel, une île et une petite ville. Son charme décati, discret, mais persuasif séduit même quelques grands de ce monde, tels la famille princière de Monaco, Kofi Annan et Noémi Campbell. L’arrivée en bateau est superbe.
Shela/Lamu
A Shela, le village voisin de Lamu, je loge dans une maison traditionnelle rénovée qui jouxte l’une des résidences de la famille princière de Monaco. J’aurais préféré tutoyer Noémi Campbell, mais bon. La chambre est orientée sur la mer. Ses parois blanchies s’ornent de moulures plâtrées qui ceinturent une mosaïque de niches. Le plafond est soutenu de troncs mal dégrossis de mangroves. La vue sur la mer laisse pantois. La voix du muezzin de la mosquée voisine paraît discrète et harmonieuse, aspect crucial durant le Ramadan. Argument suprême, il s’agirait de l’ancienne chambre nuptiale: comment refuser?
Classée patrimoine mondial de l’humanité au même titre que Stone Town à Zanzibar, la vieille ville de Lamu est beaucoup moins restaurée que sa grande soeur. Historiquement, les deux îles du africaines se sont développées économiquement au contact d’influences arabes, indiennes et européennes pour forger leur culture spécifique de type swahili. L’atmosphère tranquille de Lamu se vit plus qu’elle ne se décrit. Même la station de production électrique a son charme.
Déambuler et se perdre sciemment dans le labyrinthe des ruelles pour y découvrir demeures et habitants. Se rappeler aussi que les riches maisons patriciennes des XVIIIe et XIXe siècles ont été bâties par des marchands enrichis souvent grâce à l’ivoire, l’ébène et l’esclavage. Apprécier la végétation luxuriante qui paraît la véritable propriétaire des vénérables bâtisses. Rencontrer les gens, doux et aimables pour la plupart, dont le motto ‘pole pole’ (lentement) se sirote comme un exquis cocktail tropical.
Lamu est passéiste et avant-gardiste à la fois. Pas une voiture, pas un véhicule à moteur. Rien que des pieds humains et animaux. La décision est politique et pratique. On ne trouve aucune route carossable sur de l’île sablonneuse, alors que le dédale des ruelles de la vieille ville de Lamu exclut tout véhicule à quatre roues. Ici, l’âne est le roi des animaux, mais un roi prolétaire. Quelque 3’000 bourricots arpentent les sentiers de l’île, animaux de trait et de locomotion.
Enfin il y a bien sûr la mer, pardon le puissant océan Indien qui façonne chaque jour le quotidien et le devenir de Lamu, de ses habitants d’un jour et de toujours.
Cherchez-y Vendredi. Découvrez, appréciez et respectez son île.
Bien à Vous,