Sociologie du portage sur la tête
Trop c’est trop. Vous en avez par-dessus la tête. L’expression souligne combien une charge excédant la hauteur de la tête est intolérable à l’Occidental.
L’Occidental tient tête ou un tête-à-tête, fait la tête ou la forte tête. Siège de l’intellect et de la distinction sociale, sa tête peut porter en couvre-chef tous les honneurs artistiques, scientifiques, sportifs, folkloriques, politiques ou même nobiliaires. En revanche, il ne porte guère d’objets usuels sur sa tête. Il les transporte plutôt avec ses mains, ses bras ou son dos. Au point d’en avoir parfois plein les mains, les bras, le dos. Mais pas jusqu’en avoir par-dessus la tête.
L’Africain peut également démontrer un caractère bien trempé, un intellect aiguisé et jouir d’une notoriété sociale sans faille. Toutefois, il affectionne toujours de porter sur sa tête les objets les plus divers : végétaux, animaux, minéraux, paniers et autres contenants, outils, marchandises. Le sac à dos de l’écolier, la brouette à roue et le sac à main de la dame endimanchée trouvent tous place sur leur occiput.
Le transport sur la tête requiert un équilibre, une agilité et parfois une force physique stupéfiants. Le volume, le poids ou la fragilité de l’objet transporté ne paraissent aucunement affecter la démarche tranquille ou même nonchalante du porteur africain. Il la conforte plutôt, car l’objet transporté sur la tête oblige le porteur à un haut port de tête et à une démarche souple et régulière.
Le port sur la tête est aussi vieux que l’Africain, et aussi ancien donc que l’espèce humaine. Peut-être le nomade de la Forêt africaine avait-il trop besoin de ses mains pour chasser et se défendre pour les encombrer d’objets supplémentaires. Puis il y a le souci d’économie d’énergie sur les longues distances parcourues à pied, hier comme aujourd’hui, par les natifs du continent noir.
J’avais initié ce thème photographique en 2007-2008 durant mon séjour en Afrique des Grands Lacs. La Guinée Conakry m’a fourni d’autres belles illustrations de ces savants équilibres aériens.
Port sur tête africaine
Voici donc un pot-pourri de portraits du Burundi, du Rwanda et de Guinée. Si certains d’entre eux sont posés, aucun n’est créé artificiellement pour l’occasion. J’ai simplement élevé plus haut que de coutume mon appareil photographique, car l’âme africaine s’observe par-dessus la tête.
Quant à moi, j’aurai toujours plein les mains, les bras et le dos en convoyant les sacs d’emplettes hebdomadaires. Même en Afrique.
Bien à Vous,