La médina, c’est l’épicentre du big bang d’une ville historique marocaine. La quintessence de son histoire politique, religieuse, économique et sociale. A l’abri de ses murs puissants, elle a de nombreuses dynasties impériales, connu toutes les intrigues de pouvoir. Poumon économique, elle grouille d’artisanat, de commerces et de services en tous genres. Ses mosquées, ses écoles et ses universités, ses bains publics et ses hôpitaux, ses innombrables cafés ou encore le dédale labyrinthique de ses ruelles, en font un espace social privilégié.
Parmi les villes impériales marocaines, je choisis Fès et Meknès. La première pour découvrir une médina pétrie d’histoire prestigieuse, abritant notamment la plus ancienne université africaine et peut-être mondiale. La seconde pour découvrir une médina plus anodine mais aussi plus authentique car mieux préservée des dérives touristiques. Sans surprise pour moi, j’ai préféré Meknès.
Deux flux se croisent aux portes de la médina. Beaucoup de résidents locaux de longue date ne rêvent que d’en sortir pour occuper les nouveaux quartiers urbains. En revanche, les étrangers occidentaux la visitent assidûment comme un devoir de vacances, s’y établissent même pour y rénover une vieille demeure à des fins privées ou commerciales. Chacun de nous y trouve sa médina, en fonction de ses intérêts, de son temps, ainsi que du hasard des rencontres.
Je me perds à dessein dans les ruelles, guidé pratiquement par l’œil, l’instinct et le souci d’éviter les tracés trop touristiques, ce qui permet les vraies rencontres. Beaucoup de temps et d’énergie battant le pavé ou la terre, mais de beaux clins d’œil et moments sociaux.
Au Maroc, les familles confectionnent souvent encore la pâte à pain, et la portent à cuire à la boulangerie. Celle-ci se dissimule dans des lieux souvent inattendus, presque secrets pour le visiteur.
Dans la médina, les bâtiments prestigieux jouxtent les ruelles obscures et les humbles demeures. Ils sont souvent jaloux de leur intérieur. La visite à l’université et à la mosquée Kairaouine à Fès me déçoit, car le complexe est fermé, protégé par de hauts murs. Meknès me permet mieux d’apprécier le luxe du savoir et du bien-être de l’élite sociale de l’époque.
Métiers traditionnels
A Fès comme à Meknès, je découvre une panoplie de métiers traditionnels, dont certains m’étaient complètement inconnus : le dinandier (fabricant d’objets métalliques façonnés par martelage, comme la vaisselle de cuivre) ou encore le carollier (décorateur de carreaux de céramique et graveur d’épitaphes funéraires).
Ebéniste et peintre
Ibrahim, ébéniste et peintre talentueux, cisèle discrètement ses merveilles de cèdre odorant sous l’œil vigilant de son père décédé.
Couturier
Ahmed, couturier comme son père, rêve d’habiller sa promise du plus bel habit matrimonial que Fès n’ait jamais produit.
Ferronnier
Hassan, pas peu fier d’exhiber en avant-première la future navette spatiale étasunienne destinée à remplacer les space shuttles vieillissantes.
Ne me demandez pas la finalité de ces grosses cloches à fromage.
Rémouleur
Fariq, dit le Chinois, fait jaillir des étincelles de joie de sa pierre de rémouleur.
Carollier
Fanous le carollier me régale de son temps, de sa science de l’épitaphe, de son café et de son humour. Père de famille, mais surtout passionné de son métier, il l’exercera jusqu’à sa mort, m’assure-t-il d’un sourire serein.
Merci à lui et à tous les autres.
Bien à Vous,