A la fin de l’an 2010, je suis retourné aux sources – dans la capitale de mon royaume du Fouta-Djalon. L’année précédente, deux amples coups de plume (1, 2) vous avaient présenté le pays et ses gens.
Pressé, je force les étapes depuis Conakry. Après une nuit de marche, le village-capitale est en vue aux premières lueurs de l’aube. Émotions et souvenirs resurgissent. Dame Nature est rousse de plaisir, la gorge sèche de pluie et de rosée matinale.
Je croise un chasseur fier et allègre, flanqué de son chien, de sa pétarde à grenaille et de sa fronde. Le tonnerre de feu épouvante les singes rouges et les varans, alors que le robuste élastique terrasse les oiseaux et les serpents. Je me réjouis en silence de la besace vide du tireur. Têtu et frondeur, il se remettra en chasse demain à l’aube.
Ma progression dans les hautes herbes effarouche les vaches en pâture libre. Son propriétaire ne m’en tient pas rigueur et récupère la bête dans les bois avoisinants. Dans les champs, le chaume est mûr pour la moisson et la réfection des toitures.
L’or blanc du Fouta-Djalon coule à flots dans mon royaume. Je ne résiste pas aux sirènes d’un arrêt fraîcheur à ma cascade favorite, suivi d’un bon bain assorti d’un massage tonique dans la rivière.
Portée par mon ami Bouba le Cyclope, mon entrée dans le village-capitale emprunte le pont minéral, magnifique arche de pierre naturelle. Un enfant radieux perché dans l’azur me lance quelques botos, ces fruits sauvages aussi filandreux que savoureux. La saison des oranges bat son plein, avant celle des mangues. Pourrais-je un jour me satisfaire des fruits européens ou même importés des Tropiques ?
J’éprouve un grand plaisir à arpenter les rues, revoir et saluer les gens. Couvés par les enfants, les feux du repas de midi fument déjà. Des souvenirs de nourriture rustique, mais savoureuse, m’humectent les papilles.
Les hommes sont affairés à la réfection des cases. Les femmes, elles, en rafraîchissent les parois intérieures et le sol de terre battue.
Les vieux devisent doctement sur le temps, la santé, la vie et la mort. Débattent de politique. Cellou Dalein Diallo, bon perdant du récent duel électoral présidentiel, est encore dans les voix et dans les cœurs dans son Fouta natal : part de chaque discussion, placardé sur les murs et sur les arbres, passé dans les chansons populaires que fredonnent même les enfants et les adolescents. Le prochain mandat présidentiel sera le sien, prédisent les vieux, le sourire en coin. Pour les sages, cinq années ne sont qu’une virgule dans l’éternité.
Au centre du village, mon château resplendit de sa splendeur rustique. J’y retrouve les femmes de la maisonnée, j’y rencontre l’âme de la vie, je renoue avec le bonheur.
Quel autre royaume procure-t-il de tels trésors ?
Bien à Vous,