Oman, c’est aussi un vaste désert dont les dunes de sable ondulent en marge du littoral de la mer d’Oman. Le désert de Sharqiya (Sharqiya Sands) abrite encore de nombreuses populations bédouines traditionnellement nomades.
Le chameau omanais: une affaire d’Etat
Qui dit désert, Bédouins et nomadisme pense chameau. En fait, le chameau d’Arabie, qui ne compte qu’une bosse, est un dromadaire, cousin mais distinct du chameau de Bactriane qui exhibe lui deux bosses.
A Oman, les chameaux sont une véritable affaire d’Etat, gérée par un Directoire général des Affaires chamelières. D’autres indices plus accessibles au visiteur attestent de l’omniprésence du chameau dans la vie omanaise.
Croyez-le ou non, mais j’ai croisé peu de chameaux à Oman. Durant tout mon périple, je n’en ai guère aperçu comme celui-ci, vagabondant sereinement à proximité de ma route.
En mal d’étendues sauvages, j’ai pourtant parcouru le pourtour du désert de Sharqiya en commençant par sa frange côtière. Formidable route longiligne tracée à travers les dunes de sable – petites et grandes.
Par endroits, le désert joue à saute-mouton par-dessus d’interminables bossèlements. Ailleurs, le sable fauve bande ses formidables courbes, prêt à avaler d’un coup de langue rageur cet impertinent ruban asphalté. Ailleurs encore, il dévoile piteusement quelques vertèbres minérales sculptées par les vents marins.
J’ai bien effectué un tour de compas autour du désert de Sharqiya, sans y pénétrer toutefois. Ou juste un peu. Histoire de tutoyer de hautes dunes de couleurs chaudes et de m’approcher des Bédouins locaux et de leurs chameaux. Chameaux, on y revient. Mais bon, quand on visite un pays doté d’un Directoire général des Affaires chamelières.
Désert de Sharqiya
Le désert de Sharqiya m’a confié pour deux heures matinales ses plus belles dunes. A l’aube, une piste carrossable m’emmène dans le cœur des sables. Pas une âme qui vive. Même les Bédouins qui vivent de part et d’autre de la piste dorment encore. A l’intuition, je m’arrête pour continuer à pied à travers la première rangée de dunes. Sous mes pas, le sable est plutôt ferme et pas encore brûlant. J’en profite pour une formidable expérience tactile de marche-massage à pieds nus. J’en soupire encore d’aise.
Empreintes de pas et détritus divers disparaissent rapidement en m’éloignant de la piste et des hameaux bédouins. Partout, de gracieuses ondulations aux couleurs somptueuses ciselées par les fantaisies et les frasques d’Eole. Un bref coup d’œil derrière mon épaule me convainc de poursuivre ma marche rapide. La ligne d’horizon m’appelle irrésistiblement. Une lignée de hautes et molles dunes teste ma résistance physique et mon souffle. J’y suis.
J’ai atteint le toit du monde et le septième ciel. Inutile de tenter de m’en dissuader. Après le défunt Neil Amstrong, je marche sur les dunes de la Lune. Voilà mes pas gravés pour l’éternité dans le sable de l’arête sommitale.
La chaleur et la luminosité croissantes dissipent rapidement mes mirages. Au loin, les premiers moteurs, des voix ensommeillées, les longs blatèrements des chameaux, déchirent la torpeur matinale. Temps pour moi de rebrousser chemin. Je vérifie au retour que mes pas soient bien gravés pour la postérité. Je retrouve ma voiture, déjà pétrie de soleil. Il est à peine huit heures du matin.
Je cherche vainement un chapelet de chameaux qui déambulerait à proximité des habitations bédouines. Ces fainéants sont encore parqués dans leurs enclos nocturnes.
Surgi de nulle part, un quatuor de camélidés déboule à grandes enjambées silencieuses. Très droit et digne, un vénérable Bédouin à barbe blanche imprime l’allure qu’un adolescent irrévérencieux transgresse allègrement. Derrière, un garçonnet se cramponne à sa monture. Lui seul m’aperçoit et m’invite du regard. En queue de caravane, un chameau non monté, comme pour moi. L’image d’Epinal.
Course de chameau
De retour en ville, je tombe nez-à-nez sur un chameau monté sur le pont d’un pick-up. Le comble de fainéantise ! Les Bédouins du désert de Sharqiya vivent de moins en moins en nomades. Sédentarisés par la modernité, ils s’adonnent passionnément aux courses de chameaux qu’ils élèvent comme des pur-sang arabes. Dès lors, ces seigneurs camélidés se déplacent dignement en pick-up vers le camp de course.
Guidé par l’instinct peut-être, je tombe par hasard sur la longue piste sablonneuse bordée d’une double barrière métallique. Les Bédouins ne cachent pas leur étonnement, car bien peu d’étrangers débusquent dans ce champ de course situé au milieu de nulle part. Tout à leurs affaires chamelières, ils m’oublient rapidement.
L’imminence de la compétition tend les visages, déclenche des rafales d’éclats de colère. Car les courses donnent lieu à des paris dotés d’enveloppes rondelettes. Puis on se réconcilie entre frères.
Les chameaux n’en font qu’à leur tête. Une escouade de camélidés s’enfuit sans crier gare avant et à contre-sens de la course. Accroché à leur bride, un jeune Bédouin vole à pas gargantuesques pour canaliser leur ardeur coursière. Les chameaux sont superbes : de vrais lévriers aux muscles longilignes. Ils courent ici non montés par de jeunes jockeys ou même parfois par de légers robots, comme parfois dans le monde arabe.
Ramenés sur la ligne de départ, les chameaux-lévriers piaffent d’impatience, amarrés par leurs propriétaires. En marge de la piste, les Bédouins font rugir les chevaux de leur pick-up, plus nerveux encore que les bêtes de course. L’un d’eux m’invite à monter sur le pont de son véhicule. Non merci.
C’est parti ! Dans un nuage de poussières, chameaux, hommes et véhicules disparaissent dans une fumée poussiéreuse. Sans jury assermenté ni photo-finish, ce sont aux propriétaires des chameaux d’assister à l’arrivée des pur-sang pour identifier les gagnants. J’ignore tout du trio gagnant de la compétition du jour. Assurément pas celui-ci, parti avec une année-lumière de retard comme pour clore l’épreuve.
Me voilà réconcilié avec les chameaux omanais. J’ai vu et vécu plus que je n’en espérais. Ma tête fourmille de souvenirs et de projets chameliers. Je lancerai les premières courses de chameaux dans ma Suisse natale, avant d’y occuper un jour le poste prestigieux de Ministre des Affaires chamelières.
Bien à Vous,