Jérusalem – Sociologie d’une cohabitation (2)

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Week-end à Jérusalem

Le jour du shabbat, les quartiers juifs de Jérusalem se muent en d’indolentes zones de promenade pour familles et visiteurs étrangers. Pas de voitures, hormis quelques rares taxis. Même les transports publics sont inexistants. Des quartiers à fuir a priori, tant le rythme est lent. A bien y regarder, l’œil et la plume y trouvent leur compte.

Comme partout dans le monde, l’humain se réapproprie l’espace public une fois le trafic automobile mis hors jeu. Comme partout dans le monde, les enfants sont furieux à l’idée de partager un ballon avec leur petite sœur. Et de le faire savoir rageusement.

Je gagne ensuite les quartiers arabes du vieux Jérusalem et de Jérusalem Est un jour de la prière hebdomadaire musulmane. Animation garantie. En chemin, une halte auprès d’une communauté chrétienne éthiopienne rassemblée pour le service religieux hebdomadaire dans leur église située à proximité d’une communauté juive ultra-orthodoxe.

L’élégance de la reine éthiopienne de Saba, qui aurait visité Jérusalem voici trois mille ans et y épouse en grandes pompes le roi juif Salomon. Mon appareil photographique se régale. Vous aussi, j’espère.

Ecologie

Les quartiers arabes de Jérusalem grouillent de gens, résonnent de bruits. Des tracteurs pétaradants transporte les matériaux lourds et évacuent les ordures ménagères. La tâche n’est guère aisée, mais le résultat est probant. Encore que, le recyclage des vieux cartons n’est pas encore dans les mœurs. Je vous l’accorde, il s’agit peut-être d’une aire de collecte. Dans ce cas, le concept d’empaquetage est encore perfectible, même si la tâche exténue…

Dans les quartiers juifs visités le matin, nulle trace du marché hebdomadaire de la veille. Les détritus évacués, le sol lavé à grande eau. La collecte de vieux cartons attendra le lendemain ; mais tout est prêt, dans un concept propre en ordre somme toute très helvétique.

L’après-midi du shabbat, les quartiers juifs s’animent quelque peu, aussi grâce à un heureux brassage social. Les vitrines des boutiques branchées attirent une clientèle juive, mais aussi chrétienne et musulmane. Bars et restaurants chics ne désemplissent pas dans certaines rues adjacentes.

La mobilité douce se fait plus visible grâce à l’absence de trafic automobile : vélos en tous genres, mais aussi trottinettes électriques. A 21 heures, le commerce et les transports publics reprennent ses droits pour quelques heures avant la pleine ouverture du lendemain.

Santé publique

Et la fumée ? En principe, les fumeurs juifs ont la vie dure considérant les prix élevés du tabac, qu’on fume surtout en cigarettes. Du côté arabe, on ne transige pas sur le goût immodéré pour le narghilé, conjugué à des moments sociaux privilégiés. On n’apprécie guère la mobilité douce. Le vélo est bon pour les enfants, et à la descente surtout. A la montée, on pousse en rêvant d’étrenner sa première voiture…

Démographie et relations de genre

La rivalité entre les communautés israélienne et palestinienne à Jérusalem s’observe aussi sous l’angle démographique. La croissance démographique, par la natalité comme par l’immigration, constitue aussi un moyen pacifique mais puissant de consolidation de son influence. Faites l’amour et pas la guerre, dans une variante contemporaine et moyen-orientale.

En matière de flirt, les adolescents juifs sont des plus discrets et des plus sages. Quelques couples cheminant ensemble vers la synagogue pour la prière, ou plus rarement, lovés dans un recoin d’un parc public. Les jeunes musulmans, par contre, commencent tôt et ne jouent pas forcément dans la discrétion. Surtout les garçons, mais parfois aussi les filles. Les deux genres ont bien saisi leur complémentarité et leurs atouts respectifs.

Et ce qui devait arriver arrive souvent. Sans même le chercher, j’ai vu des préparatifs ou des cérémonies de mariage à la pelle.  Tant Juifs que Musulmans ont le sens du décorum et de la fête. Une puissante voiture fleurie est un requis. La question est plutôt la marque du véhicule, ses dimensions et sa puissance. En l’occurrence, le portemonnaie fait souvent la différence.

Dans un parc de Jérusalem, je croise jour après jour des grappes de couples, israélites comme palestiniens, heureux d’immortaliser leur bonheur. Je m’invite à ce volet de la fête pour mieux vous le raconter.

Comment s’étonner dès lors que Jérusalem grouille de bébés. Côté palestinien, s’occuper de la marmaille est une affaire féminine. Les femmes portent les nourrissons dans leurs bras avec une science qui paraît millénaire sinon innée. Dans la vie quotidienne, Musulmans adoptent une distance jugée culturellement correcte, dans la sphère publique du moins : hommes d’un côté, femmes de l’autre.

Côté juif, la poussette règne, du moins dans les beaux quartiers. La gestion des jeunes enfants est mieux partagée entre les deux genres, ce qui stimule vraisemblablement la natalité. A deux, on n’hésite pas à mettre les bouchées doubles.

Alors, Jérusalem vit-elle de tensions ou de cohabitation, de convivialité ou de connivence ? De tout cela assurément. Une cohabitation pragmatique, travaillée par de sourdes tensions, avec quelques touches de convivialité voire de connivence.

Jérusalem est une mosaïque sociale complexe et le restera probablement, fracturée par des frontières aussi invisibles que tangibles. Cependant, toute mosaïque comporte une cohérence et une unité d’ensemble au-delà de la myriade de ses composantes. La cité représente également un formidable melting pot, un creuset interculturel apte à accommoder d’importantes différences. Y vivre forge probablement un sens aigu de l’altérité culturelle, à moins d’un parti-pris aigu de cloisonnement social.

Mosaïque et creuset, Jérusalem dispose des outils aptes à assurer sa prospérité et sa sérénité. D’où l’espoir que les jeunes générations nées dans la cité phare du Moyen-Orient sauront cultiver une tradition d’hospitalité non seulement vis-à-vis de l’étranger, mais aussi et surtout dans leurs relations mutuelles.

Bien à Vous,

By Bertrand

Trotting the globe with vision, values and humour